France — La France semble vouloir évoluer vers une organisation en «trauma centers» déjà en place dans d’autres pays. Une feuille de route en vue d’une future stratégie nationale d’organisation de la traumatologie en France vient d'être proposée par des experts de la prise en charge des traumatisés graves. Trois niveaux de compétence de centres sont détaillés.
Feuille de route
Fin 2017, les premières journées de traumatologie sévère ont donné lieu à des discussions entre 44 participants: anesthésistes, chirurgiens, radiologues, urgentistes et militaires. Ces échanges ont permis de proposer une feuille de route en vue d’une future stratégie nationale d’organisation de la traumatologie en France. Les principaux enseignements de ces discussions (14 propositions pour les 10 prochaines années) sont publiés dans Anesthesia, Critical Care & Pain Medicine la revue de la Société Française d’Anesthésie Réanimation (SFAR) [1].
Un réseau national et régional
Alors que la France a mis en place un réseau de prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et des infarctus du myocarde (IDM), les expériences de filières en traumatologie restent limitées principalement au réseau Trauma REseau Nord Alpin des Urgences, TRENAU , qui existe depuis 2009.
Les auteurs soulignent la particularité de cette situation alors que dans de nombreux pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, Norvège…), les trauma centers sont devenus la règle, ce qui a amélioré la prise en charge des traumatisés graves, leur devenir et les couts d’hospitalisation.
Les auteurs proposent avant tout la mise en place d’un comité national réunissant les acteurs de la traumatologie et qui aura pour fonction d’établir des propositions à l’échelle du pays.
Dans les régions, des réseaux pourraient être organisés – avec l’aide des ARS – afin de gérer les compétences et coordonner les différents professionnels impliqués: médecine d’urgence, pédiatrie, chirurgie générale, traumatologie, imagerie, radiologie interventionnelle, réadaptation, médecine transfusionnelle…
Le triage serait effectué par les SAMU Centres 15 et les patients seraient stabilisés selon les règles du «Damage control» avant d’être orientés le plus rapidement possible vers des centres spécialisés.
Trois niveaux d’expertise
Selon le niveau de gravité, les patients pourraient être orientés vers des centres répartis en trois catégories selon les compétences médico-chirurgicales, organisationnelles et les capacités techniques à prendre en charge des patients graves. Un volume minimal de patients sévères (score ISS supérieur à 15) pourrait être défini, mais les chiffres ne sont pas encore connus.
Trois niveaux d’expertises et un algorithme de régulation sont proposés.
Niveau 1: Capable de prendre en charge tous les traumatisés graves directement, sans passage aux urgences et sans avoir besoin de les transférer. Equipés en orthopédie, réanimation, avec présence H24 de réanimateurs, d’anesthésistes, de chirurgiens généraux, d’orthopédistes, de neurochirurgiens, de gynéco-obstétriciens, et avec possibilité de recourir à des médecins d’astreinte en chirurgie cardiaque, thoracique, ophtalmologie maxillo-facial et urologie. Ces centres doivent en outre disposer d’au moins deux véhicules type SMUR, d’un accès au transport par hélicoptère et d’une unité de rééducation.
Niveau 2: Ces centres peuvent être équipés d’une unité trauma graves ou non (dans ce cas les patients passent par les urgences). Les patients peuvent y bénéficier des examens d’imagerie, de chirurgie générale d’urgence, mais ils doivent être transférés en SMUR ou en hélicoptère si une chirurgie ou une prise en charge spécialisée est nécessaire. Ils ne doivent pas impérativement être couplés à une unité de rééducation.
Niveau 3 : Ils peuvent accueillir des traumatismes non sévères par le biais des urgences, réaliser un bilan d’imagerie et effecteur un transfert vers un hôpital mieux équipé si nécessaire grâce à au moins un véhicule SMUR. Ces établissements ne sont pas dotés d’une équipe chirurgicale H24 mais ils disposent d’une réanimation ou d’une unité de soins continus.
Un algorithme de prise en charge de patients traumatisés graves est proposé. Il prend en compte les éventuelles détresses vitales, les critères anatomiques, la cinétique de l’accident, les antécédents médicaux et la différence de délai entre un transport vers un hôpital de niveau 1 ou 2 (moins ou plus de 15 à 30 minutes).
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